Logion 54-Commentaire d’Emile Gillabert dans « Le Procès de Jésus » – p. 148

La pauvreté dans l’Evangile selon Thomas rejoint la simplicité dont le petit enfant nous offre l’exemple.

Je ne peux me reconnaître tel que je suis dans ma réalité intemporelle que si je suis vide de tout ce qu’apporte le monde, vide de mon passé, vide de mes projections. « Ils sont venus au monde vides », (Log. 28) constate Jésus qui déplore de les trouver ivres.

Mon psychisme est mon ivresse. Il se constitue et se maintient en s’appuyant sur la mémoire pour s’annexer le corps et s’imaginer différent des autres. Je suis réellement pauvre si je me départis de toutes mes fabrications, ce qui implique que je retrouve l’état de ma vraie nature qui est sans mémoire et sans imagination. Cela peut aussi se dire ainsi: au lieu de vivre tourné vers le passé ou vers le futur, je demeure dans l’ici – maintenant, attentif à ce qui n’a pas de nom, que je peux appeler Royaume, Présence, Réalité… Alors il n’est plus question de distinguer la pauvreté intérieure de la pauvreté extérieure.

Parlant de la pauvreté, Maître Eckhart dit: «Est pauvre l’homme qui ne veut rien, ne sait rien, n’a rien.» Il développe ensuite ces trois exigences de pauvreté. La première me libère de tout vouloir, de tout désir, de Dieu même. La seconde m’affranchit de mon savoir me permettant de retrouver l’état – lorsque je n’étais pas – d’où fluent connaissance et amour. La troisième me libère des hommes, de Dieu et me permet de retrouver l’être éternel que j’ai été, que je suis et que je serai à jamais. Libéré du vouloir, du savoir et de l’avoir, je me connais comme étant « cause de moi-même selon mon être qui est éternel, et non selon mon devenir qui est temporel. C’est pourquoi je suis non-né et selon mon mode non-né, je ne puis jamais mourir ». (Sermon Beati pauperes spiritu.)