Commentaire du logion 56

Tant que je n’ai pas connu le monde, j’espère sans doute toujours y trouver le réconfort,  celui  que  tout  un  chacun   achète  et  obtient  par  la  connivence, l’adhésion aux codes et usages, le partage de la reconnaissance mutuelle et réciproque, l’opposition, l’affrontement, la compétition. Si je veux accéder au royaume de  l’esprit,  je  dois  découvrir  ce  qu’est  la  personne,  équilibre  pas toujours harmonieux entre intégration des codes de reconnaissance communs à l’espèce humaine et exercice de différenciation de l’individu par rapport à la communauté. Alors que pour beaucoup, c’est le « challenge » de l’existence, stimulant dans la réussite comme dans l’échec passager, combien cela peut-il constituer une rude épreuve pour celui qui ne peut éviter de voir ou deviner l’aspect dérisoire et vaniteux de tout chemin personnel quel qu’il soit, petit ou grand dans l’histoire  des  hommes,  tout  simplement  parce  qu’il  a  en  lui  la nostalgie de l’Un originel dans lequel baigne tout petit homme à ses premiers jours,  et  qu’il  lui  est  impossible  de  laisser  s’éteindre  la  flamme de  vie  de l’enfance sous l’épaisse couche des conditionnements !

Un cadavre ! Rien moins que ça, voilà l’image peu elliptique qu’emploie Jésus pour  nommer  ce  qui  meuble  et  occupe l’existence de la  personne dans le monde. Un cadavre, c’est mort, comme sont morts beaucoup qui ont laissé la flamme en eux se faire souffler par le matérialisme ou les idéologies, par la pensée envahissante. Le monde est en soi, pas au dehors : pourrait-il y avoir un objet quel qu’il soit, un chat ou une rivière lorsqu’ils sont devant mes yeux si je ne savais pas les concevoir, comme ce fut le cas lorsque j’étais âgé de deux ou trois semaines ? Partant de ce constat parfaitement lucide, fruit de la vision retournée vers sa source, que vaut mon identité individuelle psychologique et anthropomorphique lorsqu’ enfin, je la vois telle qu’elle est, comparable à une production cinématographique ?

Car le monde, la personne, l’existence circonstanciée sont une seule et même chose : en fait l’épreuve, qui devrait conduire à trouver la Vie le solitaire qui a des oreilles pour entendre par derrière les discours et des yeux pour voir à travers  les  apparences.  Alors  seulement  le  monde  –  cadavre  trouve  sa justification  dans  cette  apothéose  de  celui-là,  non  évènement  en  totale discrétion mais de portée cosmique, pour qui il n’y a plus ni mort ni peur, mais le Vivant issu du Vivant et sa manifestation vivifiée.