Les deux voies d’accès à la Gnose

Les chrétiens gnostiques des premiers siècles de notre ère ne disposaient probablement que des textes qui ont été retrouvés à Nag Hammadi, parmi lesquels le principal est l’Evangile selon Thomas.

Aussi est-il indispensable d’avoir une connaissance profonde de ces textes si l’on souhaite se pénétrer de ce que fut la Gnose de ces femmes et de ces hommes.

En particulier, l’étude du texte littéral de l’Evangile selon Thomas nous restitue des nuances dont ces gnostiques avaient connaissance et que la plupart des traductions ont gommées.

L’une de ces nuances est d’importance car elle met en évidence deux manières d’accéder à la Gnose. Elle porte sur les deux verbes que ces traductions ont traduits uniformément par « trouver ».

Le premier verbe, qu’on repère aux logia 1, 8, 27, 38, 49, 77, 90, 97, 107 et 111, signifie littéralement « tomber sur ». Il s’agit ici d’une découverte inopinée, d’une merveilleuse surprise comme celle que vit l’enfant de sept jours lorsque sa mère lui sourit.

Le second verbe, qu’on ne repère qu’aux logia 2, 92, 94 et 110, signifie littéralement « recueillir ». Il s’agit là d’un mouvement provoqué par le désir de connaître, d’une recherche. D’ailleurs, ce second verbe  est associé au verbe « chercher » :
– au logion 2 (« Que celui qui cherche ne cesse de chercher jusqu’à ce qu’il trouve »),
– au logion 92 (« Cherchez et vous trouverez ») et
– au logion 94 (« Celui qui cherche trouvera »).

Au logion 110, « celui qui a trouvé le monde » est celui qui a « recueilli » les fruits du monde.

Celui qui est resté dans l’innocence de l’enfant de sept jours, n’a pas besoin de chercher car il est toujours dans la lumière.
A besoin de chercher, celui dont la vision a commencé à être obscurcie par le monde.
Le second est, de ce fait, moins bien pourvu que le premier ; mais il serait dommage que  ce dernier le souligne car tout rejet éloigne de la Connaissance.

Il s’agit en fait de deux voies d’accès à la Gnose.
La première voie s’apparente au « repos », la seconde au « mouvement ».
L’une n’est pas supérieure à l’autre, pas plus d’ailleurs que le repos n’est supérieur au mouvement.
Bienheureux sont ceux qui peuvent emprunter la première et ainsi rester en repos.

Mais où mène la seconde voie ? A une impasse. C’est ce que nous dit Maître Eckhart quand il affirme au sermon 15 : « En vérité, tu es le Dieu caché au fond de l’âme. Plus on te cherche, moins on te trouve. Tu dois le chercher de telle sorte que tu ne le trouves nulle part. Si tu ne le cherches pas, tu le trouves ».

« Tu dois le chercher de telle sorte que tu ne le trouves nulle part ». Il te faut épuiser ce désir qui t’anime. Ce travail d’épuisement du désir est un travail de Gnose qui aboutit à une preuve par l’absurde : ce n’est que lorsque l’on n’a rien trouvé, qu’on comprend qu’il n’y avait rien à chercher.