Traduit du sanskrit par Hari Prasad Shastri
Ed. ARCHE MILANO 1980
Traduction française de HJ Maxwell & ML de Robillant
Je trouve en ce texte un condensé de ce que j’ai entendu de la bouche d’Emile pendant douze ans, rien qui contredise les propos de ceux que je considère au sommet de l’Esprit comme Nisargadatta ou Poonja, et une formulation directe, simple et sans précaution des clés de la Gnose. L’Auteur, quel qu’il soit, a trouvé l’essentiel, il s’y est arrêté et il s’y maintient.
La question centrale du Gnostique est, selon Emile : « Qui suis-je ? ». L’Ashtavakra Gita ne fait que répondre à cette question centrale sans dévier.
Chapitre 1, verset 3 : « Tu n’es ni terre, ni eau, ni feu, ni air, ni éther. Sache que ton Soi est Témoin de cela et différent de cela, si tu veux atteindre la libération. »
Chapitre 1, verset 7 : « Tu es le seul sujet de tout, et de fait toujours libre. La cause de ta servitude imaginaire est que tu attribues la subjectivité aux objets plutôt qu’au Soi. »
Nous sommes au cœur de l’Advaïta, la non dualité, qui est la clé majeure à condition que je sache me positionner moi-même par rapport à cette affirmation de l’unicité absolue de l’être, du sujet. S’il n’y a qu’un seul sujet, qui suis-je donc ? Moi qui dis « je » et qui me perçois comme « étant », je suis forcément ce sujet unique, bien que je me sois provisoirement construit en tant qu’individu sur le pilier central de la dualité, de la différenciation, et le monde avec moi. Ma servitude qui se reconnaît par le simple fait de ne pas être bienheureux, est imaginaire, et elle tient à ce que moi, le seul sujet de tout, l’unique être, je délègue ma qualité première, celle d’être, la subjectivité, aux objets. Quels sont ces objets qui m’asservissent, même imaginairement, parce que je leur fais un tel cadeau princier ? Pas seulement la matière inerte comme indiqué dans les commentaires de l’édition, mais tous les objets mentaux qui défilent sur l’écran de ma conscience, à commencer par ce corps-là qui a permis ma construction en tant qu’individu, et tous ces corps-ci qui constituent l’humanité des plus proches aux plus lointains. Alors que la subjectivité ne revient qu’au seul Soi, moi, à qui s’adresse l’auteur, je pratique du matin au soir un acte fondateur de la manifestation, je donne vie et identité aux formes qui se meuvent dans le mental, à commencer par celle que je prends pour moi-même. Or, je suis dépourvu de forme dans ma véritable nature où je désire m’établir. Il est facile de distinguer quel est l’acte des peuples animistes qui accordent l’idée d’une âme, donc d’une identité individuelle forte, à des animaux , des plantes, des objets autres qu’humains, il est plus difficile de voir comment le consensus psychique dans le processus de la manifestation me fait faire la même démarche pour l’humain, dont « moi-même », cette idée centrale qui me concerne.
Le verset 7 du chapitre 1 de l’Ashtavakra Gita est le pendant du verset 6 du poème IX d’Abd El Kader : « l’autre n’a d’existence que celle, imaginaire, érigée par vous en sensible ». Je suis ce « vous », et « l’autre » désigne au même titre, l’idée individualisée que je me fais de moi-même avec l’image associée de ce corps, comme la conception imagée « des autres ». Tous fantômes que Maître Eckart qualifie de pur néant.
Chapitre 1, verset 10 : « Tu es cette Conscience, la suprême béatitude dans laquelle le monde apparaît comme un objet imaginaire, comme un serpent dans une corde. Sois heureux ! Tu es Cela ! ».